Nos coups de cœur lecture 2023-2024

, par Béatrice Jaffre, Mélie Jouassin

Jean-Philippe Postel, L’Affaire Arnolfini, Actes Sud, 2016.
En lien avec l’objet d’étude en enseignement optionnel de Première "le portrait en France"
Coup de cœur proposé par Mme Sophie Farcy, professeur de Lettres et d’Histoire des arts dans l’académie de Versailles.

Si vous aimez les Primitifs Flamands, si vous aimez vous plonger dans les détails d’une œuvre, si le tableau peint en 1434 par Van Eyck et intitulé par convention "les époux Arnolfini" vous a toujours intrigué alors ce livre est pour vous.
Le sous-titre annonce la couleur : "Les secrets du tableau de Van Eyck , roman d’investigation". Ainsi, Jean-Philippe Postel, qui a exercé la médecine, définit-il son entreprise d’écriture comme « l’application à une œuvre picturale des méthodes de l’observation clinique attentive ». Il s’appuie dans cette démarche sur une bibliographie fournie, circulant entre les analyses de Erwin Panofsky, la référence depuis les années 50, et celles de Margaret Koster notamment, pour des éclairages plus récents et particulièrement stimulants.
Que regarde le petit chien du premier plan ? Que reflète le miroir circulaire au fond de la pièce ? Avez-vous remarqué le détail prosaïque des mules rouges et des sabots de bois ? La jeune femme est-elle enceinte ? Que nous révèle le chandelier ? Pourquoi ce tableau exerce-t-il un tel pouvoir de fascination sur le spectateur ?
L’affaire Arnolfini se lit avec curiosité et délectation, il nous tient en haleine à mesure que chaque détail du tableau se révèle et élucide -en partie- son énigme.

Marie-Hélène Lafon,Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue, 2023.
En lien avec la thématique de l’artiste en 1ère spécialité

“Marie-Hélène Lafon est allée vers Cézanne comme “on va au paysage”” et le livre dédié au peintre s’appréhende comme une “géographie intérieure", un voyage à travers la galerie de personnages qui évoluent autour de Cézanne : le père, la mère, le docteur Gachet, la femme et le fils. L’écriture explore la variation et décline les motifs cézanniens : la montagne, les bâtisses du sud, la couleur. La "matière" picturale devient une "rumination" textuelle et Marie-Hélène Lafon dessine là les contours d’un artiste immergé dans le paysage, à la frontière de la modernité et des avant-gardes".

Julia Margaret Cameron, Capturer la beauté, catalogue d’exposition, Jeu de Paume, 2023.
En lien avec la question limitative de Terminale spécialité "Femmes, féminité, féminisme"
Coup de cœur proposé par Mme Anastasia Scepi, professeur de Lettres dans l’académie de Versailles.

"En ce qui concerne Mrs Cameron, nous sommes navrés de dire que nous n’avons que peu d’espoir... C’est à regret que nous condamnons l’œuvre d’une dame ; mais ces travaux ont été ostensiblement mis au premier plan et ce serait commettre une injustice à l’égard de la photographie que de les laisser passer pour des exemples d’un art de qualité ou d’une technique parfaite".
The Photographic Journal, Londres, 15 août 1865, p. 126.

"Il faut reconnaître à cette dame le mérite d’avoir osé l’originalité, mais au détriment de toute autre qualité photographique. Une véritable artiste emploierait l’ensemble des ressources à sa disposition, quelle que soit la forme d’art qu’elle pratique. Dans ces clichés, on a négligé tout ce qui fait l’attrait de la photographie et mis en évidence les défauts de ce médium. Nous regrettons devoir parler si sévèrement des œuvres d’une dame, mais nous nous sentons obligés de le faire dans l’intérêt de l’art".
The Photographic Journal, Londres, 1865

Souvent présentée comme une amatrice et désignée en son temps selon son sexe – Julia Margaret Cameron n’en fut pas moins l’une des premières à avoir imposé le gros plan et les flous en photographie. Loin de plier face aux nombreuses critiques, elle alla jusqu’au bout de sa démarche : asservir la technique – démarche paradoxale quand on sait qu’elle fut critiquée en raison de son absence de maîtrise technique – à sa propre vision du monde et de l’art. « Capturer la beauté ». Une ambition à la hauteur de celle qui dota la photographie d’une dimension intrinsèquement artistique à une époque où elle était essentiellement documentaire ou commerciale, en bousculant les normes dominantes et en promouvant « l’imprécision », l’imperfection, afin de « parl[er] à l’imagination » [1]. Le très beau catalogue de l’exposition du Jeu de Paume place le lecteur au cœur du processus de création en faisant dialoguer les regards – sensible et analytique – sur les nombreuses œuvres et textes personnels de Cameron ainsi que ses sources d’inspiration, bien souvent livresques et picturales. Une pépite !

Laurent Binet, Perspective(s) , Grasset, 2023.
En lien avec la question limitative de Terminale spécialité "Le voyage des artistes en Italie, XVIIe-XIXe siècles"

Qualifié de polar historique épistolaire par son éditeur Grasset, nous précisons qu’il s’agit d’un polar de fiction mettant en scène des personnages réels   : Michel-Ange, Vasari, Pontormo, Catherine de Médicis, Cellini, Bronzino.
Tout commence par un crime terrible commis à Florence, sur le chantier des fresques de la Chapelle San Lorenzo auquel le peintre Pontormo travaillait depuis onze ans pour la famille Médicis. Afin de mener l’enquête, Cosimo de Médicis fait appel à Vasari qui, lui-même, va s’appuyer sur l’expertise et la sagesse de Michel-Ange, pour interroger le broyeur de couleurs, les assistants du peintre car dans Perspective(s) tout le monde est suspect. À cette intrigue principale, s’ajoute ce tableau retrouvé dans l’atelier de Pontormo, une “vénus offerte, nue, les cuisses ouvertes,” dont le visage est celui de Marie, fille du Duc de Florence, Cosimo de Médicis…cet opprobre risque bien d’apporter une ombre au futur mariage de Maria avec le fil du Duc de Ferrare, Alfonso d’Este.
Une fois le roman en mains, impossible de le lâcher jusqu’à son dénouement final. La  forme épistolaire, très originale, donne une teinte à la fois intimiste et très vivante à l’histoire.

Retrouvez la présentation de Perspective(s) par son auteur, Laurent Binet

Viva Varda  ! , catalogue de l’exposition à la cinémathèque de Paris, ouvrage collectif sous la direction éditoriale de Florence Tissot, avec la complicité de Rosalie Varda, La Martinière, 2023.
En lien avec la question limitative de Terminale spécialité "Femmes, féminité, féminisme"

Le catalogue qui accompagne la très belle exposition consacrée à Agnès Varda à la cinémathèque de Paris restitue la richesse documentaire et notamment celle exhumée des archives de Ciné-Tamaris, la société de production aujourd’hui présidée par ses enfants Rosalie Varda et Mathieu Demy. L’intérêt réside dans les témoignages variés et éclectiques qui, tous, éclairent un aspect de l’œuvre de Varda ou analysent un de ses films ou court-métrages. C’est avec plaisir que l’on replonge, pêle-mêle, dans les coulisses de Sans toit ni loi, dans la genèse de Cléo de 5 à 7 ou encore dans Les glaneurs et la glaneuse. Agnès Varda aimait s’entourer de chats et, comme eux, de nombreuses vies lui ont été accordées, celle de la photographe pour le TNP de Jean Vilar, celle de la «  grand-mère de la Nouvelle vague  », celle aux États-Unis, entre les Black panters et le Flower power, celle de la femme artiste à la sensibilité féministe aux côtés de Delphine Seyrig, celle avec et celle sans Jacques Demy, la vie de l’autoproduction et du travail coopératif et puis, bien plus tard, la vie de l’artiste plasticienne ou encore celle sur les routes avec l’artiste JR.

Découvrez le dossier de presse de l’exposition Viva Varda !

Notes

[1« [...]des résultats qui sont à la fois beaux et imprécis et qui parlent à l’imagination, car ils sont animés par un esprit de la vie, de la chance, de l’élégance et du pouvoir" dans "Mrs Cameron’s Photographs, Pall Mall Gazette, 29 janvier 1868, cité dans le catalogue d’exposition.

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